11 septembre 2020

IL Y A 50 ANS, LE CHILI

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Le 4 septembre 1970, il y a tout juste 50 ans, Salvador Allende était élu président du Chili.

Au cours des mois précédents, il avait réussi à rassembler, sous une vaste coalition de gauche, l’Unité populaire, plusieurs formations politiques: le Parti socialiste, le Parti communiste, le Parti radical, le Mouvement d’action populaire unitaire (MAPU) et le Parti démocrate (PSD). Même le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), une organisation de lutte armée fondée en 1965, avait donné un appui critique à la coalition. Le principal parti rival était la Démocratie chrétienne, issue de la phalange fasciste espagnole, qui proclamait que l’Église était au-dessus des partis politiques.

JACQUES LANCTÔT

Dans la foulée de la révolution cubaine, plusieurs organisations de guérilla avaient vu le jour en Amérique latine, durant les années 60: au Venezuela avec Douglas Bravo, en Argentine avec Jorge Masetti, en Uruguay avec les Tupamaros de Pepe Mujica et Raul Sendic, au Guatemala avec Turcios Lima, en Colombie avec les FARC de Manuel Marandula, au Brésil avec l’Action de libération nationale de Carlos Marighella, au Nicaragua avec le Front sandiniste de libération nationale de Tómas Borge, etc. Sans oublier, un peu plus au nord, le mouvement des Black Panthers aux États-Unis et le FLQ au Québec. L’arrivée au pouvoir d’un socialiste était donc la preuve que la voie électorale n’était pas à rejeter. Une première en Amérique (le Parti québécois, révolutionnaire à sa manière, allait prendre le pouvoir six ans plus tard, en 1976).

Salvador Allende croyait profondément en la démocratie électorale. Le socialisme était partie intégrante de cette démocratie, qui se voulait l’expression de la population, au service des travailleurs de tous les secteurs. D’ailleurs, le Che lui avait dédié affectueusement son livre La guerre de guérilla en ces termes: «À Salvador Allende, qui, par d’autres moyens, tente d’obtenir la même chose.» Son programme électoral, composé d’une quarantaine de mesures, était exemplaire: suppression des très hauts salaires, ajustement des pensions de vieillesse, sécurité sociale pour tous, distribution de lait aux enfants, un toit digne pour tous, ainsi que l’eau potable et l’électricité, soins médicaux et hospitaliers gratuits, abolition des taxes sur la nourriture, réforme agraire, création d’un Institut national de la culture, etc.

La droite ne tarda pas à réagir. Elle fit assassiner le général en chef René Schneider, qu’Allende avait nommé pour assurer la transition et garantir la loyauté des forces armées envers le processus démocratique en cours. Cette action criminelle allait marquer le début des hostilités des forces de droite, qui bénéficiaient de l’appui des États-Unis. Washington voyait d’un mauvais œil l’arrivée d’un socialiste, ami de Cuba de surcroît, à la tête d’un pays où ses multinationales, dont celles des mines de cuivre, risquaient d’être nationalisées. Le président états-unien donna carte blanche à la CIA pour qu’elle sabote, par tous les moyens, y compris la guerre psychologique, la révolution démocratique en cours.

Suivirent trois ans de luttes acharnées. Sabotages, grèves, attentats, assassinats, campagnes de salissage. Tout l’arsenal connu et expérimenté ailleurs. Même les grands syndicats, d’obédience états-unienne, furent utilisés pour miner les efforts du gouvernement socialiste. Jusqu’au 11 septembre 1973, trois ans plus tard, alors que l’armée, dirigée par celui qui deviendrait le dictateur le plus sanguinaire de l’heure, Augusto Pinochet, bombarderait le palais de la Moneda, siège du gouvernement légitime, où le président Allende se défendit jusqu’à la mort contre les putschistes, les armes à la main, ce qu’il avait toujours refusé de faire.

C’en était fait de la première victoire électorale socialiste en Amérique latine.

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